Paul

Trainer in the spotlight 02/02/2025

Comment l’enseignement des langues évolue-t-il à l’ère de l’IA ? Comment créer des supports de cours différenciants, qui apportent plus de valeur ? Comment les différences culturelles influencent-elles un cours de langue ?

J’ai échangé longuement avec Paul, formateur en anglais et créateur de contenu pour les supports de cours, chez Wefit depuis 2017. Expert de l’enseignement et du voyage puisqu’il enseigne depuis 2004 et a vécu à Dubaï, en Chine, en Mongolie, en France, en Allemagne, en Turquie et en Jordanie, il m’a partagé ses réflexions sur l’évolution du métier d’enseignement avec l’évolution technologique, et ce qu’un formateur peut apporter aujourd’hui de plus que l’IA. En voici un résumé :

Enseigner à l’ère de l’IA

“Le point le plus important que je peux souligner à propos de l’enseignement aujourd’hui, en 2025 et pour les années à venir, c’est l’impact de la technologie et de l’IA, et la nécessité, en tant qu’enseignant, d’avoir conscience de ce qu’on apporte réellement.

Ce que j’aime chez Wefit, c’est que chaque fois que je rencontre des profs de l’équipe, ce sont des personnes dynamiques, intéressantes, engagées. J’adore discuter avec des gens comme Damon, Fatner ou Chris, parce qu’ils sont passionnants.

L’époque où le rôle d’un prof se limitait à bien prononcer les mots et expliquer la grammaire est révolue. Pour ça, il suffit d’aller sur ChatGPT. Il existe maintenant des outils de prononciation basés sur l’IA. Nous-même, on utilise des outils de génération vocale dans nos supports, et les apprenants peuvent y accéder. Ce qui compte, c’est que les profs apportent autre chose en cours : leur énergie, leur personnalité, leur dynamisme, pour créer un lien avec les apprenants et rendre les séances plus vivantes.

Au XXIe siècle, si on ne réfléchit pas à comment aller plus loin que la grammaire et le vocabulaire, alors on ne propose pas de bons cours.

Et c’est précisément pour ça que j’aime travailler chez Wefit, parce que c’est ce qu’on fait, et nos formateurs s’inscrivent dans cette démarche. Ils essaient d’apporter un peu d’originalité, avec des sujets un peu différents, qui vont parfois bousculer les apprenants, les pousser dans des directions auxquelles ils n’avaient pas pensé. On est loin du simple “explique-moi un point de grammaire”. Et c’est pour ça qu’on cherche vraiment à challenger les apprenants. À leur offrir quelque chose de plus qu’un simple cours d’anglais.”

Des supports de qualité inspirés des apprenants

“J’enseigne encore 20 à 25 heures de cours par mois et au delà du fait que j’aime enseigner, c’est parce que je veux avoir une bonne idée de ce dont ont l’air les leçons pour que je puisse l’intégrer dans les supports que j’écris.

Je voulais qu’ils aient un peu plus de personnalité, parce qu’aujourd’hui, la technologie est partout. Si tu veux une explication de grammaire, tu peux demander à ChatGPT. Il y a des millions de vidéos sur YouTube. Si notre contenu se contentait d’enseigner de la grammaire et du vocabulaire de base, je pense qu’on passerait à côté de l’essentiel.

Donc, quand je donne des cours, j’aime bien savoir de quoi les gens parlent, ce qu’ils pensent, et ça m’aide un peu à intégrer ça dans les supports, pour essayer de les rendre un peu plus intéressants, un peu plus pertinents. Un bon exemple : j’ai une élève que j’accompagne depuis 2017 et on a toutes les deux de jeunes enfants. En ce moment, ils ont tous les deux quatre ans. On parle souvent des différences entre le Royaume-Uni et la France en matière d’éducation, des écoles, de ce qu’on appelle "preschool" chez nous, et "maternelle" chez vous. Et ça m’a permis de construire deux ou trois cours intéressants sur l’éducation, avec un petit plus, je pense, par rapport à ce que proposent d’autres structures, parce que ce sont des sujets concrets, tirés de la vraie vie. Par exemple, en France, vous avez le système des zones scolaires, les différences d’approche, tout ça... Et je pense que ça m’aide vraiment à créer des contenus intéressants.”

Quel impact des différences culturelles sur l’enseignement ?

“Un très bon exemple avec la Chine : c’était évidemment le plus grand marché au monde pour l’enseignement, et c’était à la fois un vrai défi et très intéressant d’y enseigner.

L’un des aspects que j’ai trouvé vraiment, vraiment difficile au début, et qui m’a mis des bâtons dans les roues plusieurs fois pendant ma première année, c’est leur rapport à ce qu’on pourrait traduire par « la face » ou « l’image ». C’est une notion issue de la philosophie confucéenne. En gros, ils ne veulent surtout pas perdre la face. Personne n’aime se sentir ridicule, ou avoir l’air de se tromper, mais en Chine, c’est poussé beaucoup plus loin que dans les autres pays. Je me souviens d’un cours pour une grande entreprise pharmaceutique. On était en tout début de séance, dans le moment d’échauffement. Je posais des questions simples, comme à mon habitude : je choisis 10 ou 12 personnes au hasard et je leur demande « Comment s’est passé ton week-end ? Qu’est-ce que tu as fait ? »

J’interroge deux personnes, tout se passe bien, et j’arrive à Satang : « Et toi, qu’est-ce que tu as fait ? » Il commence à répondre : « Oui, je suis allé… » puis il s’arrête. Visiblement, il ne trouvait plus le mot pour désigner l’endroit ou ce qu’il avait fait. Alors je relance gentiment : « Tu peux m’en dire un peu plus ? » Mais plus j’essayais de l’aider, plus il se refermait. Il voyait bien que deux ou trois personnes avant lui avaient très bien répondu, et lui n’y arrivait pas. Il a juste baissé la tête, et s’est tu.

Et là, j’étais encore assez nouveau en Chine, donc j’ai insisté un peu pour l’aider à formuler. Mais ça a été contre-productif. Il s’est encore plus replié, parce qu’à ses yeux, il perdait la face devant ses collègues. Au bout de 3 ou 4 tentatives, j’ai compris qu’il fallait arrêter. L’ambiance du cours est retombée d’un coup. Silence total. J’ai enchaîné : « Bon, on va passer au vocabulaire. » Normalement, j’aurais continué à poser des questions, mais là, c’était évident que je ne pouvais pas interroger quelqu’un d’autre juste après lui.

La semaine suivante, je reviens... et il n’est pas là. Je demande : « Où est Satang ? » On me répond : « Il a peut-être une réunion… on ne sait pas. » Il n’est revenu qu’au bout de quatre séances. Pour lui, il avait perdu la face, et il ne voulait plus revenir. C’était énorme pour lui. Sur un programme de 12 semaines, il a manqué 30 % des cours à cause de ça. Et ça a été une vraie leçon pour moi.

J’ai compris qu’il fallait toujours savoir si un apprenant était capable de répondre à une question avant de la poser. Si je pose une question à un Français et qu’il ne sait pas, il me dira « Je ne sais pas. » Et dans ce cas, je lui donne le vocabulaire, on passe à autre chose. Mais en Chine, ça ne fonctionne pas comme ça. Il y a des moments où il ne faut surtout pas insister. J’ai très vite compris que je devais être extrêmement prudent avec ce que je demandais. Si quelqu’un risquait de se tromper, mieux valait éviter la question.

C’était un vrai numéro d’équilibriste : ne pas poser de questions trop risquées, mais savoir féliciter avec enthousiasme quand ça se passe bien. Bien plus que ce que je ferais avec des apprenants français ou allemands, par exemple.

Donc voilà, c’est vraiment mon plus grand apprentissage. Et franchement, cette situation m’est arrivée 15 ou 20 fois la première année. Et à chaque fois, ça m’a tué.”

Notre vidéo complète sur l’interview de Paul arrivera bientôt, avec encore plus de partages et d'anecdotes. Stay tuned !

Les articles